25 juin 1980

Afin d’accompagner ce nouveau départ programmé à partir de maintenant, la maison de disques Philips choisi de lancer

le même jour, le vingt-sixième album studio de l’Idole intitulé A partir de maintenant.

S’il est une production de l’Idole qui peut raisonnablement nous laisser le goût amer de l’inachevé, c’est sans conteste cet excellent album bâclé, A partir de maintenant, réalisé par Eddie Vartan, et enregistré aux studios du Palais des Congrès, de la Grande-Armée, et de Boulogne-Billancourt.

Constitué majoritairement de ballades reflétant le désarroi amoureux de l’interprète, au demeurant excellent dans son rôle, comme à l’accoutumé, les orchestrations et les arrangements paraissent délavées, sans relief, comme l’horizon d’une plaine écrasée par le crachin hivernal, avec dans les yeux, rien qui ne manque à ce décor; pas même un point bleu ou la verve tragique des grands dramaturges. A partir de maintenant est un drame qui ne fait pas pleurer. Et pourtant, avec un petit supplément d’âme, il y aurait eu assez de matière pour nous noyer.

L’album s’ouvre avec sa chanson éponyme signée, paroles et musique, par Michel Mallory. Georges Terme qui avait déjà adapté Qu’est-ce que tu croyais ? l’année précédente, est à nouveau solliciter pour la traduction de Drift away de Mentor Williams, déjà enregistré par Dobie Gray puis par Rod Stewart. Sa plume verrouille ce titre A double tour. Johnny himself et son vieux complice Mallory signe le troisième titre, Le chanteur sans amour, préludant sur la même thématique, mais en moins bien, le chanteur abandonné de Berger.

Par l’entremise de son garde-du-corps Alan Coriolan, Johnny entra en contact avec le chanteur Daniel Balavoine qu’il estime beaucoup.

À la demande de l’Idole, l’artiste créa Je ne suis pas un héros, un chef-d’œuvre à côté duquel passèrent complètement les fades arrangements d’Hervé Roy.

Déçu par la version d’Hallyday, Daniel Balavoine reprendra sa chanson à son compte quelques mois plus tard, sur son album, Un autre monde, et Je ne suis pas un héros deviendra un des plus gros succès de sa carrière. La face A se referme sur une reprise du très dylanien Steeve Goodman, You are the Girl I Love, qui permet à Michel Mallory de signer un texte magnifique, La seule fille que j’aime, tout à la fois tendre, passionné et poétique. Sans doute une des plus belles réussites de ce millésime.
On retourne son vinyl sur sa platine, et on retrouve Georges Terme en face B sur Un diable entouré d’anges, adapté d’un succès italien de Toto Cutugno, composé par Cristiano Minellono, Una serata come tante. Un choix étrange et qu’on peut raisonnablement déplorer même si l’Idole laisse une belle interprétation musclée de cette mièvrerie. Qu’est-ce qu’elle fait ? qui lui succède est une chanson de désespoir résigné où les violons de Franck Langolff s’apprêtent parfaitement aux rimes de Michel Mallory. Une réussite.

S’ensuit la plus grosse déception de cet opus, avec la reprise de La poupée qui fait non, le tube de Michel Polnareff que Johnny avait chanté sur scène quelques jours plus tôt lors de la Fête de la Liberté organisée par l’UDF. Les arrangements d’Hervé Roy sur ce chef-d’œuvre semblent avoir été conçu pour la tessiture de Michel Polnareff. Ils paraissent volontairement encagés, comme si on avait délibérément voulu empêcher la voix du Boss de prendre son envol.


Le seul vrai rock de l’album, Perdu dans le nombre, est l’adaptation par Long Chris de Feel like a number de Bob Seger. Johnny livre là une prestation a minima de ce standard américain, pourtant parent de cultissime Old time rock and roll.


La fille de l’hiver, composée par Johnny et Mallory, referme définitivement cet album qui sera tout de même certifié disque d’or malgré qu’il ne contienne aucun tube. Sur le recto et le verso de la pochette, Johnny pose devant l’objectif de Bernard Leloup. Tout de jeans vêtu et en pleine nature, Johnny sourit avec réserve… La mélancolie de son regard nous indique qu’il a besoin de nous.