12 avril 1978:

 

Johnny et Sylvie tout de cuir vêtus sont en Une du magazine Salut.

Votre serviteur avait moins de dix ans et dans son infinie ignorance, il ne soupçonnait pas que dans ces tas de papiers qu’il connaissait pourtant, il était possible de retrouver la tête de son Idole.

Des magazines, j’en voyais sur les devantures des kiosques de ma ville, et sur la table de la cuisine de ma maman et chez ma grand-maman.

 C’est par ailleurs moi qu’on désignait pour la corvée du mercredi qui consistait à aller acheter Nous-deux et Intimité afin de stimuler l’imaginaire sentimental des deux uniques femmes de ma tribu.

 Comme tous les incultes du monde, je ne savais pas ce que j’ignorais.

Je croyais donc que le connu était le tout.

 Par conséquent, il ne pouvait exister que deux magazines dans le monde, ceux que lisait ma mère et ma grand-mère.

Mais ce mercredi-là changea ma vie et ma vision du monde.

 A partir de ce jour, je me mis à fréquenter assidument les lieux où on vendait du papier imprimé.

Et comme je n’avais pas d’argent, j’attendais que l’attention du grossiste soit distraite pour déchirer subrepticement la page du magazine sur laquelle était reproduite la tête de mon Idole, puis remettre le magazine en bonne place sur son présentoir.

Souvent, j’étais confronté à un dilemme car Johnny occupait les deux faces de la page chapardée, et que choisir c’est renoncer; un sacrilège auquel je ne pouvais me résoudre. Plutôt que sur mon mur, j’épinglais donc ces pages au plafond, avec un petit fil de pêche invisible.

En entrant dans ma chambre d’enfant, qui mesurait plus de 180cm avait le visage fouetté par des coupures de presse.

 Le Salut de ce jour inaugura ce rituel.